Le terme « gestion de carrière » a un goût savoureux des années 70 ou 80, où des experts généralistes, s’appuyant ou non sur des outils, prodiguaient des conseils à des cadres dirigeants sur leurs plans de carrière.
Ce terme a disparu au profit du coaching (qui vient plus parler d’une démarche d’intervention que d’un contenu), ou de démarches spécifiques (en France, bilan de compétences, conseils en évolution professionnelle, experts en transition professionnelle…).
L’époque est celle du pivotement. Après s’être investi dans des études lourdes et des débuts de carrière parfois laborieux, on pivote. Cette ère entame l’ère des ruptures : rupture conventionnelle, changement de vocation, changement de modèle économique. Cela concerne des personnes qui « vont bien », mais qui sont en quête de sens.
Les individus ne sont pas des start-up et ne pivotent pas si facilement. Le prix à payer est élevé, énergie dépensée, remise en cause de sa vie personnelle, passage éventuel par des « burn out » ou des périodes de disette. Et le point d’arrivée est souvent incertain.
À notre sens, il y a un vrai besoin de conseil généraliste en gestion de carrière tout au long de sa vie. Il y a le carrosse, les chevaux, il y a le besoin d’un cocher qui sache fixer la cadence et aborder les virages. L’idéal, c’est d’assumer soi-même ce rôle de cocher, pour soi. Ce n’est pas si facile, par manque de temps, de recul ou d’expérience.
Les bases d’un conseil en gestion de carrière renouvelée pour prendre en compte les évolutions du contexte actuel peuvent être approchées de la manière suivante :
Des personnalités multiples, des trajets multiples. L’alpha et l’oméga de la gestion de carrière, c’était « le » plan de carrière qui permettait d’avoir la meilleure évolution en fonction de son excellence. C’est la force de l’égo de s’identifier à un projet et de parvenir à le mettre en œuvre. Mais en arrière-plan, cela ne correspond pas forcément à des envies et à des capacités souvent contradictoires. Ce qui amène à travailler sur trois séries de questions :
Le cocher aide à gérer cette carte en trois dimensions et parfois à trouver les chemins de traverse pour éviter les impasses ou les bifurcations brutales.
Nous sommes souvent à la jonction entre une ambition, un rêve et la réalité qui se manifeste souvent dans le rapport à l’argent et au pouvoir. Contrairement à ce qui peut se dire sur You Tube, il n’y a pas de réalité parallèle où il suffit d’être aligné par rapport à son « ikigai » ou sa raison d’être pour amasser une fortune en travaillant 2 heures par jour! Et ceux qui succombent aux illusions de ces univers parallèles partent souvent de bases ultras matérialistes.
Le rôle du cocher est d’assurer une bonne tenue de route, c’est-à-dire de vérifier que les projets sont en adéquation avec les contraintes économiques de la personne. Il va examiner aussi la cohérence avec les réalités des marchés de l’emploi, si différentes selon les statuts et les secteurs d’activité. Il prend en compte les politiques de gestion des ressources humaines, des règles du jeu qui ne sont pas toujours faciles à décrypter. Être en accord avec ce principe de réalité, c’est d’abord prendre le temps de connaître la réalité dans sa complexité et c’est là que le conseil en gestion de carrière fait profiter de ses expériences.
La gestion des carrières était basée sur un temps linéaire, l’acquisition des compétences, le plein exercice des responsabilités, le transfert des compétences, le tout constituant une carrière. À ce déroulé, je pense qu’il est plutôt utile de séquencer les choses en 4 phases : la toute-puissance, la plongée dans les difficultés, l’apprentissage des parades à ces difficultés, la réalisation de soi. C’est à la fois un processus très lent, et aussi des boucles circulaires où rien n’est jamais acquis.
L’apport du cocher c’est de savoir où l’on est dans cette ligne de vie, mais aussi d’aider à prendre la bonne décision en fonction de la bonne temporalité : accélérer, ralentir, ne rien faire.
Le confort du passager est primordial. Quel est l’état interne de la personne, quelle est sa capacité à encaisser les secousses. Sur qui peut-elle compter en cas de coup dur, quelle aide opérationnelle peut-elle avoir? Comment faire pour abaisser les contraintes, rompre l’éventuel isolement? Comment peut-elle accepter des périodes de doute et de frustration? Lorsqu’on n’est pas à l’aise pour répondre à ces questions, il est utile qu’il y ait une présence à côté de soi.
Gérer la complexité des parcours et le temps, faire avec le principe de réalité, introduire du confort et de la présence humaine sont les trois piliers d’une gestion de carrière renouvelée. J’insiste sur le fait que c’est un travail de généraliste, où l’on s’engage auprès de la personne pour être un point d’appui.
François Chauvin intervient comme formateur, conseil et coach et est expert du réseau Germe.
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