Les médias ont amplement parlé de harcèlement sexuel en milieu professionnel au cours des derniers mois. Divers milieux de travail ont ainsi été le théâtre d’allégations de harcèlement : cabinet professionnel (Marcel Aubut), défense nationale (lieutenant-colonel Martin Bernier), plateau de tournage (Bill Cosby), studio de radio (Jian Ghomeshi) et même un ancien premier ministre ontarien (David Peterson) au cours des douze derniers mois.
Suite à ces événements, des observateurs ont décrié le fait que certains milieux professionnels véhiculent une culture où le talent est roi, faisant en sorte que les comportements toxiques en provenance d’individus talentueux ne sont pas sanctionnés.
Alors qu’au Québec, on parlait davantage de harcèlement psychologique sous toutes ses formes depuis l’entrée en vigueur des dispositions de la Loi sur les normes du travail reconnaissant le droit de tout salarié d’évoluer dans un milieu exempt de harcèlement, voilà que la réalité du harcèlement sexuel refait couler de l’encre. Constater que ces enjeux sont toujours d’actualité dans tous types de milieux de travail nous incite à prendre quelques instants pour s’y attarder et s’assurer que toute organisation possède les outils afin de sensibiliser ses membres à ce fléau.
Le harcèlement sexuel, en quelques mots, c’est une conduite se manifestant par des paroles, des actes ou des gestes à connotation sexuelle, répétés, non désirés, et qui est de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne ou de nature à entraîner pour elle des conditions de travail néfastes. Un seul incident grave peut aussi constituer du harcèlement s’il porte atteinte à l’intégrité physique ou psychologique de la victime et produit un effet nocif continu. Le harcèlement comprend également la promesse ou la menace d’avancement ou de représailles si des avances ne sont pas acceptées. En ce sens, le harcèlement sexuel est une forme de discrimination fondée sur le sexe.
Ainsi, quant à savoir si une conduite est « non désirée », on se demandera si le présumé harceleur savait ou aurait dû savoir que son comportement était non désiré. La connaissance du caractère importun de la conduite sera inférée dès que la victime aura manifesté au présumé harceleur son désaccord face à un tel comportement ou lorsqu’elle aura paru de façon évidente être offensée, humiliée ou en désaccord avec la conduite. La connaissance du caractère non désiré de la conduite pourra par ailleurs s’inférer lorsque le comportement est clairement en marge des normes en place dans l’organisation ou lorsque le présumé harceleur se sera déjà fait avertir antérieurement par la victime que ce comportement était non désiré.
Le harcèlement sexuel comporte un spectre important de manifestations sous forme de gestes, d’actes et de paroles à connotation sexuelle, allant de la simple insinuation à l’agression sexuelle. Ainsi, les comportements suivants, lorsqu’ils sont non désirés, pourront constituer du harcèlement :
a) des paroles : dénigrements ou insultes fondés sur le sexe de la personne (ex. : sur les attributs physiques de la personne), propos sexistes, invitations suggestives persistantes, commentaires suggestifs, menaces de représailles ou promesses de bénéfices liés à des avances;
b) des gestes à connotation sexuelle : offrir des cadeaux suggestifs, dévisager longuement quelqu’un de façon lubrique, poursuivre quelqu’un de ses avances, afficher du contenu offensant, transmettre des écrits suggestifs ou obscènes;
c) des contacts physiques non désirés : caresser, embrasser, empoigner, tirer sur les vêtements, pincer, effleurer volontairement, agresser quelqu’un, lui faire des attouchements.
La popularité croissante de l’utilisation des médias sociaux et de l’utilisation du courriel apportent une dimension de cyber-harcèlement qui complexifie le tableau. S’ajouteront aussi aux manifestations préalablement décrites des communications importunes répétées et la traque furtive (surveillance ou stalking).
De ce fait, il est essentiel de s’assurer que les politiques en vigueur dans l’organisation visant le harcèlement expliquent bien que tout contact en lien avec le milieu de travail (et non seulement entre les quatre murs du bureau) sera visé par les lois du travail, entraînant l’obligation pour l’employeur d’intervenir, d’enquêter et de sévir.
Ce qui est essentiel, c’est que tous les membres de l’organisation comprennent que, quel que soit leur rôle dans l’organisation, ils ne peuvent se livrer à du harcèlement sous quelque forme que ce soit, harcèlement sexuel y compris.
Pour ce faire, il peut être utile de rappeler que le harcèlement sexuel peut engendrer des recours envers le présumé harceleur en vertu notamment du Code criminel, de la Loi sur les normes du travail et de la Charte des droits et libertés de la personne, selon la gravité des actes perpétrés, et que nul n’est exclu de l’application de ce cadre juridique. L’employeur qui aura fait défaut d’intervenir pourra également être visé par un recours en vertu de la Loi sur les normes du travail ou de la Charte des droits et libertés de la personne.
Trois questions demeurent :
1- Que faire pour prévenir une telle réalité dans son milieu de travail?
i) s’assurer que la politique de prévention du harcèlement psychologique déjà en place comprend également des dispositions visant le harcèlement sexuel;
ii) si une telle politique n’est pas en place, implanter une politique de prévention du harcèlement psychologique comprenant une prohibition du harcèlement dans le milieu, des illustrations de ce qui en constitue (dont des exemples spécifiques visant le harcèlement sexuel).
2- Que faire pour dénoncer une telle réalité dans son milieu de travail?
i) réagir directement, lorsque possible, pour aviser la personne qui a une conduite reprochable que ce comportement est non désiré ou s’il s’agit d’un comportement dont on est témoin, que ce comportement n’est pas toléré dans l’organisation;
ii) se prévaloir des mécanismes internes mis en place par l’organisation en matière de prévention de harcèlement, et ce, qu’on soit victime ou témoin d’une telle situation;
iii) si aucun mécanisme interne n’est prévu, faire appel :
● en milieu syndiqué, à son syndicat pour loger un grief et obtenir le soutien requis;
● en milieu non syndiqué, à la Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail (anciennement la Commission des normes du travail) pour loger une plainte et obtenir l’intervention d’un médiateur et éventuellement d’un enquêteur, et d’un avocat dont les services seront gratuits en vue d’une conciliation ou d’un procès : http://www.cnt.gouv.qc.ca/en-cas-de/harcelement-psychologique/index.html
Ce recours doit être exercé dans les 90 jours de la dernière manifestation. Il n’est pas nécessaire d’avoir quitté son emploi pour y avoir accès.
● à la Commission des droits de la personne, qui fera enquête et offrira médiation et représentation gratuite au besoin :
http://www.cdpdj.qc.ca/fr/droits-de-la-personne/defendre-vos-droits/Pages/porter-plainte.aspx
● si le présumé harceleur a fait preuve d’une conduite harcelante dans le cadre de l’exercice de fonctions visées par un code de déontologie, il est également possible de contacter l’ordre professionnel concerné.
3- Que faire pour ne pas se trouver dans une situation où on sera visé par une telle plainte?
Demeurer à l’écoute de ceux qui nous entourent. Se rappeler que ce qu’on trouve drôle, souhaitable, romantique ou charmant ne l’est pas nécessairement pour tous et demeurer à l’affût des messages négatifs en ce sens : dans le doute, clarifier le tout. Et, bien sûr, user d’extrême prudence si on entreprend une relation romantique au bureau, tant durant la relation qu’après celle-ci, afin de valider clairement que le tout est mutuellement consensuel. Si des politiques en milieu de travail établissent des règles visant les relations entre employés, en prendre connaissance, surtout si l’une des personnes impliquées occupe une position hiérarchique lui octroyant une certaine autorité face au travail de l’autre, ce qui pourrait vicier le consentement dans la relation. Enfin, se rappeler que, quel que soit le poste occupé ou le succès récolté, quelles que soient les blagues à la mode ou les usages du milieu, le respect en milieu de travail doit prévaloir dans toute relation professionnelle.
Conseillère en ressources humaines agréée, Katherine conseille et représente les organisations de tous les secteurs d'activité.
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