Le débat sur un salaire minimum à 15 $/h a fait couler beaucoup d’encre au cours des derniers mois. Bien que les opinions demeurent partagées sur les retombées potentielles d’une hausse importante du salaire minimum, plusieurs provinces canadiennes ont déjà légiféré en ce sens. Certaines hausses entreront en vigueur en 2018 et d’autres s’échelonneront sur deux ans :
Les effets varient selon la province et les secteurs économiques. Le secteur du commerce de détail risque d’être particulièrement frappé. En Ontario, 55 % des employés du commerce de détail sont touchés par la hausse du salaire minimum à 14 $/h au 1er janvier 2018. La carte suivante illustre le pourcentage des salariés potentiellement touchés par les hausses dans les différentes provinces canadiennes.
En plus des hausses du salaire minimum, d’autres changements législatifs affecteront l’offre de rémunération globale et ses coûts. La hausse des cotisations au RRQ pour le Québec ou les différentes mesures adoptées en Ontario par la Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois en sont des exemples.
Les effets cumulatifs de ces changements ainsi que la rapidité avec laquelle ils entreront en vigueur constituent de façon évidente un défi pour les organisations. L’équilibre, parfois fragile, entre la stratégie d’affaires et la stratégie de rémunération globale s’en trouve perturbé. Face à ces changements législatifs, peut-on se contenter de simplement se conformer? En réalité, une réflexion plus stratégique s’impose!
Bien que les mesures législatives touchent principalement les salaires, les solutions méritent d’être réfléchies dans une perspective de rémunération globale. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour revoir l’offre globale en matière de salaire, boni, assurance collective, épargne-retraite, vacances, congés et autres pratiques RH? Requestionner les choix et prioriser en fonction de ce qui a le plus de valeur, réelle et perçue pour les employés que l’on souhaite fidéliser ou attirer, demeure une des meilleures stratégies pour optimiser l’investissement en rémunération globale et se démarquer en tant qu’employeur.
En plus des coûts directement attribuables à la hausse du salaire minimum, plusieurs organisations redoutent un effet domino sur les autres salariés de l’entreprise. Pourtant, cet effet n’est ni une fatalité, ni une obligation. Pour les organisations qui disposent de peu de marge de manœuvre, la compression des écarts salariaux peut s’avérer une stratégie à considérer.
Une telle stratégie n’est toutefois pas sans risque. Comprimer les écarts salariaux peut créer une perception d’iniquité chez les employés qui verront se rétrécir l’écart entre leur salaire et le salaire minimum nouvellement augmenté, en plus de rendre certains emplois moins attrayants. Ce risque est d’autant plus présent que les taux de chômage demeurent bas au Québec et en Ontario; certaines régions se trouvant même en situation de plein emploi. Le défi risque d’être encore plus important pour les organisations limitrophes à l’Ontario. Au 1er janvier 2019, l’écart du salaire minimum entre les deux provinces sera de 2,65 $, écart qui pourrait inciter certains travailleurs québécois à chercher du travail en Ontario.
Dans un tel contexte, réfléchir à la rémunération dans une perspective globale est encore plus pertinent. Si se démarquer au chapitre des salaires devient plus difficile, les organisations peuvent se distinguer sur d’autres dimensions de la rémunération globale : la flexibilité des horaires, l’environnement de travail et la formation en sont des exemples. Recréer l’équilibre des écarts salariaux ne doit pas être un simple exercice mathématique de gestion des coûts. Il doit s’accompagner d’une réflexion éclairée sur l’équité interne, sur la compétitivité de l’offre de rémunération globale et sur le positionnement de sa marque employeur.
Pour plusieurs organisations, les effets des mesures législatives ne peuvent être absorbés par une hausse des prix. Dans certains cas, la pérennité de l’entreprise passe par le maintien de la structure de coûts. Plusieurs analystes prévoient que les entreprises plus sensibles à une hausse de leurs coûts pourraient se tourner vers l’automatisation de certains emplois. Ces initiatives peuvent s’avérer des avenues intéressantes dans certains contextes, mais elles nécessitent toutefois des investissements importants et les bénéfices ne se feront sentir qu’à moyen ou long terme. D’autres options s’offrent aussi aux entreprises, certaines font le pari de gagner en productivité en investissant davantage dans leur main-d’œuvre. Que ce soit par la formation de la main-d’œuvre, ou en s’attaquant au taux de roulement, certaines entreprises tenteront de tirer le plein potentiel de leur capital humain pour demeurer concurrentielles.
Les changements législatifs adoptés au Québec et en Ontario ont un effet incontestable sur l’enveloppe de rémunération globale au sein des entreprises. Peu importe les solutions retenues, celles-ci risquent de perturber l’équilibre au sein des entreprises. La communication jouera un rôle clé afin que tous les groupes d’employés, qu’ils soient directement touchés ou non, comprennent les changements et les perçoivent comme cohérents et équitables.
Les organisations qui tireront le mieux leur épingle du jeu sont celles qui profiteront de l’occasion pour réfléchir à leur modèle d’affaires et qui sauront y aligner une stratégie de rémunération globale soutenable, cohérente et respectueuse de la culture d’entreprise.
Oeuvrant dans le domaine des ressources humaines depuis plus de 14 ans.
Facteur H est un espace convivial de référence francophone en ressources humaines pour rester à l’affût des nouvelles tendances et trouver des solutions concrètes et applicables aux défis organisationnels d’aujourd’hui et de demain.