Capgemini et Linkedin ont réalisé une étude diffusée fin 2017, « Digital Talent Gap », sur l’offre et la demande en matière de compétences et de formation digitale. Il en ressort notamment que les actions menées par les entreprises ne sont pas à la hauteur des attentes des collaborateurs, et que ces derniers s’inquiètent de leur employabilité en matière de compétences digitales.
Les grandes entreprises (plus de 1000 salariés) qui ont participé à cette étude reconnaissent toutes manquer de compétences digitales. Elles sont plus de 1 sur 2 à considérer même que ce manque de compétences digitales est susceptible de freiner leur programme de transformation digitale. Cette prise de conscience de l’impact des compétences digitales sur la croissance, la compétitivité et donc l’avenir même des entreprises ne suffit cependant pas à les faire agir, puisque plus de la moitié reconnaît avoir diminué leur budget de formation. Ce résultat ne peut qu’être inquiétant, d’autant que le développement des modalités digitales de la formation fait naturellement baisser les coûts, et que dans de nombreux secteurs, la réglementation impose de nouvelles contraintes en matière de formations obligatoires. Cette baisse des budgets de formation s’explique d’autant moins que le recours au recrutement de compétences digitales à l’externe est coûteux et difficile. Notons, enfin, que les secteurs dans lesquels les collaborateurs sont les plus inquiets face à cette obsolescence de compétences sont ceux de l’automobile, de la bancassurance, des services publics, secteurs justement les plus touchés par la transformation des usages des clients et par l’arrivée de nouveaux entrants.
Les collaborateurs sont conscients de l’importance de maintenir leur employabilité et de s’assurer contre l’obsolescence de leurs compétences digitales qu’ils considèrent comme inévitable. Ils sont ainsi plus actifs que les entreprises, n’hésitant pas, pour 50 % d’entre eux, à se former par leurs propres moyens et sur leur temps libre. Cette inquiétude forte les amène à considérer les efforts de formation de leur entreprise comme un critère déterminant dans le choix de rester ou pas dans cette entreprise. Nul doute que ce critère se retrouve nécessairement chez les candidats au moment du choix d’une entreprise. Les engagements -et les preuves- que donneront les entreprises en matière d’efforts de formation seront demain des éléments essentiels de leur attractivité. Les promesses de missions variées dans un parcours balisé et d’évolution linéaire de carrière ne peuvent plus être tenues par les entreprises et ne sont surtout plus entendues par les candidats et les collaborateurs. Les entreprises doivent s’engager dans des programmes de formation ambitieux, qui s’appuient notamment sur des partenariats, des certifications avec des « marques académiques » fortes qui ont une valeur en dehors de l’entreprise, et avec une approche marketing pour davantage prendre en compte les attentes des collaborateurs. On semble redécouvrir les vertus de « l’entreprise apprenante ».
Face à ce faible investissement des entreprises, l’insatisfaction des collaborateurs ne peut pas être une surprise. Ils estiment que ces programmes ne sont ni efficaces ni performants. Ce jugement doit interpeller les entreprises et les amener à revoir leur approche : prendre en compte les besoins collectifs de l’entreprise, mais aussi les besoins individuels, se concentrer moins sur la création de contenus, mais plus sur la sélection, la curation et l’association de contenus déjà existants et pour certains disponibles gratuitement; en un mot, passer du plan de formation décidé par le manager à du learning « à la carte » offert aux collaborateurs. Les équipes de formation doivent également développer des compétences marketing pour vendre leur offre aux collaborateurs, et les aider, à l’image de véritables coachs de l’apprentissage, à développer le réflexe, l’envie de se former, pour éviter que de nouvelles inégalités se créent dans l’entreprise puisque l’on sait que ceux qui se forment le plus sont ceux qui sont déjà les plus diplômés. Enfin, il est indispensable de répondre aux attentes diverses du collaborateur en matière d’équipements (PC, tablette, smartphone), de formats (vidéo, fiche pratique, classe virtuelle), de temps disponible (MOOC ou rapide learning).
L’attention portée à de nouveaux métiers comme les : « Data Scientist, Directeur Lot (Internet of Object), Chief Digital Officer », est légitime, car elle est essentielle à la transformation des entreprises et est marquée par une pénurie de ces compétences nouvelles. Mais elle ne doit pas cacher une autre priorité, tout aussi essentielle avec l’évolution des méthodes de travail. Le mode projet, le collaboratif, l’UX, le design thinking, le développement du télétravail, de la veille, de l’innovation…, imposent aux collaborateurs de nouvelles postures, dans ses relations avec son environnement : agilité, adaptabilité, curiosité, aptitudes relationnelles, de communication… que l’on nomme aujourd’hui « soft skills digitales », hier compétences comportementales.
Le sujet des compétences, et son corollaire, celui de la formation, sont essentiels dans le processus de transformation digitale des entreprises comme de l’employabilité des collaborateurs. Ce sujet sensible semble cependant avoir bien plus abouti dans l’esprit des collaborateurs que dans celui des directions générales. Attention à ne pas creuser davantage ce fossé. Les entreprises ont tout à y gagner, à la fois pour préparer leur avenir et développer leur attractivité auprès des candidats et l’engagement des collaborateurs. Il est révélateur de noter dans cette étude que 51 % des employeurs interrogés pensent qu’une fois formés, les collaborateurs quitteront leur entreprise. Cela démontre que la formation est encore perçue comme une dépense et non un investissement. Cela traduit également le peu de confiance des entreprises dans leur pouvoir de fidélisation.
Pour retrouver l’ensemble de l’étude (en anglais).
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