En physique, la résilience est décrite comme étant l’aptitude d’un corps à résister aux pressions, à un choc, et à reprendre sa structure initiale. En psychologie, on pourrait expliquer que la résilience est la capacité à vivre, à rebondir, à se développer en dépit de l’adversité ou des coups durs de l’existence, bref la capacité et la volonté de réussir.
Ce concept de résilience, d’abord évoqué aux détours des années 40, a grandement été approfondi, et popularisé, par Boris Cyrulnik, avec la publication de plusieurs livres, notamment « Un merveilleux malheur » paru en 1999. Si on applique le principe aux organisations, on peut aisément faire le lien avec la capacité à retomber sur ses pattes après un changement non souhaité, une rétrogradation… Avec le flot incessant de changements que vivent les organisations, et donc les personnes qui les composent, on pourrait penser que les habiletés d’adaptation sont croissantes. Et bien que ce ne soit pas le cas pour plusieurs personnes (on apprend quand même de nos expériences!), nul n’est à l’abri de rencontrer sa limite en termes d’adaptation. On aurait parfois le goût de dire : « c’est assez!, laissez-moi absorber le dernier changement avant d’en ajouter un autre. » Or, cette option n’est que très rarement disponible dans la liste des possibilités.
Les trois stades de la résilience
Geneviève Aurouze, psychologue clinicienne, explique la résilience en trois stades. Et les reconnaître permet bien souvent d’accepter de les vivre un à un, tout en sachant que c’est lorsqu’on atteindra le troisième que l’adaptation sera vraiment facilitée.
Le premier stade s’énonce généralement avec une formulation du type « C’est à cause de… ». C’est à cause de la réorganisation, c’est à cause de tel collègue, c’est à cause du fait que j’ai perdu mon emploi, etc. ». À moins de faire preuve d’une solide vigilance pour l’éviter, le stade du « c’est à cause », représente souvent un passage obligé, et sournois! Nous savons pourtant que l’attitude de recherche de coupables ne permet que de… trouver des coupables (sic!). Mais cette réaction première est humaine, même si elle n’aide pas forcément la responsabilisation et le passage à l’action.
« Malgré… »
Le second stade, l’auteure le nomme l’étape du « Malgré… ». Le « malgré le fait que… » illustre le début de l’acceptation, et donc de la transition qui s’effectue graduellement. « Malgré le fait que » permet généralement de commencer à reconnaître que la situation n’est pas que négative. C’est l’étape où on entendra peut-être « malgré le fait que j’ai dû changer de service, je conserve néanmoins les dossiers que j’aimais » ou encore « … malgré mon changement de poste, mes horaires ont pu être maintenus, ou ça me permet de découvrir une nouvelle équipe agréable ». Les pertes liées au changement commencent alors à être compensées par certains gains, au départ, moins visibles. Lorsqu’il y a changement, on insiste beaucoup (les gestionnaires, les spécialistes RH) pour faire voir les gains à ceux qui vivent des pertes. Or, les pertes sont très souvent immédiates, alors que les gains ne sont que potentiels. Normal qu’il y ait un petit décalage avant que les deux colonnes des pertes et gains ne balancent!
« Grâce… »
Le troisième et dernier stade est celui du « Grâce au fait que… ». Cette étape, appelée celle de la véritable résilience, se caractérise par la capacité à rebondir vraiment pour regarder devant et non derrière, pour avancer, pour se propulser même dans un ailleurs improbable au début du changement. « C’est grâce au fait que j’ai perdu mon emploi que je me suis réorientée dans tel domaine ». « C’est finalement grâce au fait que j’ai été sans poste spécifique que j’ai pu voir ce que je souhaitais vraiment pour la suite. » Cette phase est celle de la reconnaissance des bienfaits du changement, ou, à tout le moins, des avantages que ce changement a pu susciter. Bien sûr, si on parle d’un changement particulièrement douloureux comme la maladie, le deuil d’un être cher, l’objectif ne sera pas d’en arriver à louanger le changement, mais, à tout le moins, de reconnaître que sans lui, on ne serait pas là où on est.
Pour nous, lorsque nous sommes confrontés à des changements organisationnels, travaillons à accepter ces stades. Et pour ceux et celles à qui on impose des changements, on ne pourra bien sûr attendre que tous soient rendus au troisième stade pour poursuivre un projet, mais la reconnaissance des stades (à des rythmes différents) et l’accompagnement offert en continu dans le changement représentent deux clés intéressantes afin de favoriser la responsabilisation de nos membres d’équipe, et ainsi faciliter le passage du « C’est à cause de… » au « Grâce à… ».
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