Christiane, directrice des finances, vit des difficultés depuis un moment. Elle n’arrive pas à mobiliser son monde dans le changement organisationnel en cours, le taux d’absentéisme augmente et les tensions sont palpables au sein de l’équipe.
Lors de nos premiers échanges en individuel, Christiane m’explique avoir mis en place toutes les bonnes pratiques en GRH : responsabilités claires, indicateurs de performance adéquats, rencontres régulières de suivi, communications fréquentes concernant les alignements de la haute direction.
« Comment vont tes employé.es? », je lui demande. Silence radio. Christiane ne sait pas quoi répondre. En réalité, elle n’en a aucune idée.
Selon une étude réalisée en 2022 par l’Association canadienne pour la santé mentale et l’Université de la Colombie-Britannique, seulement 13 % des Canadiens disent actuellement ressentir de l’empathie.
Christiane fait partie du 87 % des gens pour qui il est plus difficile d’en manifester. Une capacité d’empathie un tant soit peu développée lui aurait permis de répondre, du moins en partie, à la question que je lui ai posée.
Considérant ces données, nous pouvons aisément penser que l’histoire de Christiane se répète dans d’autres organisations. Alors, outre le fait qu’on en manque cruellement dans notre société en général, pourquoi est-ce si crucial pour les leaders de la développer, en particulier?
L’empathie est la capacité de comprendre comment les autres pensent et se sentent et de s’ajuster en conséquence. Elle permet une proximité suffisante pour se mettre dans les chaussures de l’autre et une saine distance pour demeurer objectif et intervenir sainement.
Cette capacité est requise pour créer des liens forts et durables, non seulement avec les membres de l’équipe, mais aussi avec les partenaires d’affaires et les clients. Elle est sous-jacente au lien de confiance nécessaire à la mobilisation des autres vers l’atteinte des objectifs. Elle permet une vision plus globale des situations, accélère la compréhension des problématiques rencontrées par l’équipe et par le fait même, concourt à les résoudre plus rapidement. Elle contribue à réduire les conflits et à les dénouer plus facilement. Elle participe aussi à la capacité d’influence en permettant de s’ajuster en temps réel aux stratégies mises de l’avant pour développer des partenariats et des alliances profitables.
« Mais est-ce que je ne vais pas devenir un peu fleur bleue et avoir de la difficulté à prendre des décisions difficiles si je développe trop mon empathie? » demande Christiane.
Nous voici face à un des mythes les plus tenaces entourant l’empathie en entreprise. Contrairement à cette croyance, l’empathie permet l’exercice d’un leadership courageux, car elle assure une meilleure lecture de son environnement humain et organisationnel, permet de prendre une distance face aux situations et assure d’ancrer les décisions et les actions dans ce qui est juste en fonction des situations rencontrées. Autrement dit, l’empathie fait partie intégrante du courage d’agir.
Alors, comment arrive-t-on à être empathique sans verser dans le bleu tendre?
C’est LE levier par excellence. Une personne empathique n’a pas un don de divination pour déceler l’invisible chez l’autre. Elle est d’abord et avant tout curieuse envers autrui et s’intéresse à son expérience personnelle. Poser des questions pour comprendre ce que l’autre ressent - comment tu vis ça? - et comment il réfléchit - comment tu en arrives à cette conclusion? - fait partie intégrante de la capacité d’empathie.
C’est probablement l’aspect le plus ardu à déployer. Lorsque l’autre nous fait part de son ressenti ou son point de vue, il est normal de voir nos propres jugements se pointer le bout du nez. Tous nos réflexes de survie nous incitent à tirer des conclusions hâtives à partir d’informations incomplètes afin de prendre des décisions rapides. Mais rappelons-nous que lorsque l’on cherche à comprendre la personne qui est devant nous, ce n’est pas de nous dont il s’agit, mais bien d’elle. Se mettre temporairement de côté pour laisser toute la place à l’autre, pour l’écouter réellement, est essentiel. Alors lorsqu’un - je ne suis pas d’accord! - se lève en vous, remplacez-le par - qu’est-elle en train de me dire en ce moment?
Exercer un leadership empathique implique de se montrer disponible, d’offrir notre soutien et d’agir, lorsque c’est de notre ressort en tant que gestionnaire notamment, afin de mettre en place les solutions requises. Mais cela implique aussi de prendre la distance nécessaire pour ne pas porter la responsabilité de l’autre dans la situation. La question - est-ce que cela m’appartient d’intervenir maintenant? – peut vous aider à prendre du recul.
Réside ici tout l’art de prendre une saine distance avec l’expérience de l’autre. La posture d’empathie vise précisément à prendre le recul nécessaire pour ne pas vous laisser submerger par les problématiques ou la souffrance de l’autre. Être empathique signifie être « avec » et non « à la place » de l’autre.
Et si vous avez une fleur bleue qui pousse en vous, c’est certes un levier à l’empathie. Assurez-vous toutefois, à l’aide des 4 autres leviers énoncés, qu’elle soit dans les bonnes conditions pour ne pas se faner.
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