Qui ne connaît pas ce dicton populaire : « On n’a jamais une deuxième chance de faire une première bonne impression »? Cette maxime tirée de la sagesse populaire a une forte résonnance chez la plupart des personnes. De fait, que ce soit à l’occasion d’un entretien d’embauche, d’une première journée de travail ou dans le cadre d’un premier rendez-vous galant, il semblerait qu’une attention toute particulière soit apportée sur la façon que nous souhaitons être perçus par ces nouvelles personnes que nous nous apprêtons à rencontrer, et cela, dès les premiers moments. De même, les premiers instants lors de la prise de contact avec une personne nouvellement rencontrée semblent avoir un effet marquant sur notre appréciation, positive ou négative, de cette dernière. Simple illusion ou phénomène réel? La recherche en psychologie nous a révélé depuis plusieurs décennies que des biais perceptuels quant à la sélection de l’information et la généralisation de celle-ci sont une caractéristique indéniable de nos mécanismes cognitifs. Qui plus est, dans une perspective d’économie cognitive, notre cerveau se laisserait fortement imprégner des premiers contacts avec une nouvelle personne tout en étant enclin à généraliser quelques caractéristiques apparentes chez elle pour lui en faire une attribution globale.
Dans le cadre de notre série sur les biais cognitifs en matière de négociation, nous considérerons l’effet de halo et l’effet de primauté.
L’effet de halo est ce phénomène bien connu chez les spécialistes de la dotation où, insidieusement, certaines caractéristiques apparentes de prime abord chez une personne peuvent avoir pour effet de créer un effet de généralisation sur l’appréciation globale que l’on se fait de cette même personne. Une apparence soignée, une prise de contact affable, quelques observations pertinentes sur l’organisation peuvent rapidement avoir pour effet de créer une appréciation positive de cette personne et ainsi mitiger l’effet des éléments négatifs qui pourraient apparaître en cours d’entrevue. Au contraire, un manque de ponctualité, une nervosité ostentatoire et un manque d’empathie dans les premiers échanges pourraient avoir pour effet d’induire une appréciation négative de cette personne pour l’ensemble de son entrevue, même si de bonnes réponses aux questions et des références laissent plutôt entrevoir une personne compétente pour le poste à pourvoir. Dans le premier cas de figure, on parlera d’un effet de halo positif alors que dans le deuxième cas, il s’agira plutôt d’un effet de halo négatif. Ce phénomène pourrait aussi être exacerbé par l’effet de primauté où les premières informations que notre cerveau enregistre sur une personne ont une plus grande prégnance dans nos souvenirs que ceux qui seront enregistrés par la suite (à l’exception des derniers éléments enregistrés par celui-ci qui, eux aussi, auront une importance prépondérante dans nos souvenirs; il s’agit toutefois d’un autre biais cognitif appelé l’effet de récence).
En négociation, les premiers contacts entre des négociateurs qui ne se connaissent pas sont certes cruciaux pour le déroulement à venir de la négociation. On doit comprendre que cette première prise de contact se fait habituellement lors de la première rencontre en « face à face » à la table de négociation lors de la phase d’ouverture de la négociation. Il existe toujours une tension palpable lors de cette première rencontre, car c’est à cette occasion que les parties prendront connaissance des demandes de part et d’autre et pourront enfin confirmer leurs scénarios quant à la nature et l’ampleur des revendications de l’autre partie, scénarios souvent formulés lors de la préparation de la négociation. Une attention toute particulière sera aussi portée sur l’attitude conflictuelle ou coopérative affichée par l’autre partie. Devant la multitude des informations cruciales que les négociateurs chercheront à obtenir à cette occasion et l’importance de ces dernières afin d’anticiper le déroulement à venir des négociations, un terreau fertile pour l’émergence de biais cognitifs que sont les effets de halo et de primauté est alors bien présent. Des premiers gestes de civilité posés, des premiers regards échangés, des premières paroles prononcées et des premiers échanges sur le contenu des revendications, un jugement rapide sur le vis-à-vis devrait être ainsi généré (car c’est habituellement ce que font les êtres humains; ils jugent rapidement!). Et sans surprise, ce même jugement risque fort d’être teinté par les biais discutés dans cet article.
Une prise de conscience de l’existence de ces biais et une vigilance quant à un jugement trop hâtif sont certes à prescrire afin de minimiser l’erreur de jugement qu’elles pourraient occasionner. De même, l’acquisition de certaines informations sur notre vis-à-vis auprès de sources multiples en amont des négociations pourrait également diminuer le risque de fausser notre juste appréciation de cette personne, eu égard à ses principales caractéristiques attitudinales. Il sera également opportun de se rappeler que la résolution de la négociation passe par la détermination d’une zone d’entente qui se trouve balisée par le mandat de chacune des parties et non de la volonté propre des personnes qui œuvrent à la table de négociation, que ces dernières nous aient fait ou non, une bonne première impression.
Jean-François Tremblay, CRIA, Ph. D., est professeur au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais.
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