Plaidoyer pour l’IH [Intelligence humaine]

À l’heure où l’on parle de l’IA comme étant la 8e merveille du monde, permettons-nous de jouer les trouble-fêtes et de rappeler que s’il faut investir massivement dans la technologie, il faudrait aussi investir massivement dans nos équipes et collaborateurs, vous savez, le monde qui va utiliser l’IA et trouver comment transformer toute cette intelligence artificielle en services ou produits pour les clients. Bien sûr, l’IA et l’IH ne sont pas antagonistes, elles sont complémentaires, mais notre perception de la contribution relative de chacune d’elle tend à se déséquilibrer. Remettons les pendules à l’heure.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais dans Pantagruel. Il est vrai que nos organisations ne seraient pas ce qu’elles sont sans cette inestimable contribution des humains qui les composent. Loin de nous l’idée de nier la contribution croissante qu’aura l’intelligence artificielle dans nos organisations. Ce sont des outils qui nous permettront entre autres de pallier à la pénurie de main-d’œuvre et d’accroître l’efficacité de nos organisations dans un contexte de compétition permanente. Gardons cependant en tête qu’une organisation est un acteur économique ET social. Une organisation évolue dans un écosystème composé d’individus et de communautés. 

Plus il y aura d’IA plus nous aurons besoin d’IH

À l’instar de la mécanisation et de la robotisation, l’avantage concurrentiel lié à l’acquisition de technologies n’est pas éternel. Plus l’intelligence artificielle se répand dans nos organisations plus c’est l’intelligence humaine qui deviendra un avantage concurrentiel. À l’avenir, la technologie devrait être de plus en plus accessible, pas le savoir-faire et le savoir-être des employés. L’intelligence artificielle n’éliminera pas des professions, elle va les obliger à se transformer et à se démarquer. Ce qui peut être fait par un algorithme plus ou moins évolué, devra être fait pas une machine, moins couteûse et plus rapide, mais l’intelligence émotionnelle, l’esprit critique, la perspicacité sociale, l’écoute active, la compassion et, pour ne nommer que celles-là, la résolution de problèmes complexes seront encore pour plusieurs années des zones d’excellence pour l’Intelligence humaine. Nous vous invitons à lire à cet effet l’excellent rapport de la RBC : Humains recherchés.

Transformer le talent

Cependant les défis d’avenir ne solliciteront pas les mêmes compétences que ceux du passé. Nous le savons, tout comme pour les grandes révolutions industrielles et technologiques, les tâches répétitives, mécanisables et à faible valeur ajoutée seront confiées à l’intelligence artificielle. Nous devons donc rapidement permettre à nos équipes de développer de nouvelles compétences moins liées aux savoirs et davantage au savoir-faire et au savoir-être. Le gouvernement du Québec a également produit un excellent référentiel de compétences dont on doit rapidement s’approprier l’esprit. À l’avenir, il ne faudra plus juste apprendre, mais plutôt apprendre à apprendre, il ne faudra plus savoir, mais plutôt comprendre, nous allons devoir donner plus de place à notre intuition, à l’inclusion, à l’éthique et à notre sens de l’analyse.

S’inscrire dans le développement durable des ressources humaines (DDRH)

Nous y voilà. Pour parvenir à réaliser cette complémentarité entre l’IA et l’IH, nous devons changer certains paradigmes :

• Plutôt que de se demander uniquement comment utiliser la formation pour que nos employés produisent plus, commençons à nous demander comment outiller nos employés pour qu’ils bâtissent le futur de l’entreprise. 
• Plutôt que de ne penser qu’au ROI (Return on Investment), commençons à réfléchir en termes de RONI (Risk Of Non Investment), car les entreprises qui ne préparent pas leurs employés pour l’avenir seront en danger à moyen terme.
• Il faut cesser de refuser d’offrir à nos employés des formations qui ne s’inscrivent pas directement dans le cadre de leur travail. Nous avons besoin de penser autrement, de voir plus loin. C’est en ouvrant de nouvelles perspectives, à travers des compétences diversifiées, que nos employés seront en mesure d’innover et d’inventer le futur.
• Il faut se dissocier de notre réflexe d’uniformisation. La diversification des profils et des parcours professionnels est la clé pour se transformer. Nous devons repenser le recrutement en valorisant les compétences transversales et les expériences diversifiées.

Le développement durable, en ressources humaines, c’est de maximiser nos ressources aujourd’hui en nous assurant de leur valeur future.  

Le but de cet article n’est pas de faire la leçon ou de nous sermonner collectivement, c’est un vibrant plaidoyer en faveur de l’intelligence humaine. Même si la singularité technologique n’est pas pour demain, nous devons dès aujourd’hui nous questionner sur les mesures à mettre en place pour que la technologie contribue au bien commun ainsi qu’au progrès des sociétés et non pas uniquement au rendement à court terme d’une entreprise ou d’un pays.