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Ralentir pour un leadership équilibré

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Pascale Dufresne 3 septembre 2024

Il y a fort à parier qu'en tant que leader, vous avez à quelque part lu ou entendu parler de la nécessité de ralentir. Il y a fort à parier aussi que vous vous êtes dit : « Encore une nouvelle injonction, un nouveau concept à la mode! Comment ralentir avec cette pression à la performance, qui elle, demeure! Quand tout va de plus en plus vite! » Peut-être vous êtes-vous dit que le ralentissement est un luxe et un privilège offert à certains ou bien un mode de vie qui s’est imposé à d’autres pour des raisons personnelles, dans une réalité bien différente que la vôtre.

 

Et vous auriez raison de vous questionner. Dans un monde où la performance et l'urgence sont érigées en valeurs cardinales, où la pression du court terme est omniprésente, il peut sembler paradoxal, contre-intuitif, voire incohérent, de prôner la lenteur. Pourtant, ne serait-ce précisément parce que notre environnement est de plus en plus rapide et complexe que la capacité à ralentir devient une compétence stratégique. Explorons cela ensemble.

 

Il y a et il y aura toujours quelque chose à faire, un problème à résoudre. Nous sommes pris dans un tourbillon d'actions et de réactions, avec le sentiment que ralentir, c'est perdre du terrain, rater des opportunités. Voilà pourquoi quand nous aurions besoin d'espace dans nos vies, sous le stress et la pression, nous faisons exactement l'opposé de ce que nous avons besoin de faire : nous tentons d'en faire plus et d'aller encore plus vite. C'est la réaction de notre cerveau primitif, qui nous pousse à l'action frénétique face à la menace.

 

Par exemple, rappelez-vous la dernière fois où vous avez reçu un courriel qui vous a fait réagir et que vous auriez souhaité prendre une pause avant de répondre de façon impulsive. Vous vous êtes défendu, et vous l'avez regretté ? C'est exactement de cela dont il s'agit. Ne cherchez pas à ralentir l'action autour de nous (ce qui est… impossible), mais chercher à se sentir tranquille intérieurement, afin de répondre et non de réagir.

 

Si l'on regarde l'ordre naturel des choses, il y a des espaces, des pauses. Quand on fait un feu, il faut laisser de l'espace entre les bûches pour que l'air circule et que les flammes prennent. Dans une forêt, c'est dans les clairières, dans les trouées de lumière, que la vie foisonne. Même notre cœur bat sur un rythme en deux temps : contraction, relâchement, systole, diastole. La vie est une danse subtile entre action et repos, mouvement et immobilité.

 

Quand on lui a demandé comment il arrivait à jouer les notes aussi bien, le pianiste Arthur Rubenstein a répondu : «Je ne joue pas les notes mieux que beaucoup d'autres, mais les pauses - ah ! C'est là que réside l'art. » En tant que leaders, nous sommes souvent pris dans une partition frénétique, une course sans fin vers toujours plus de performance et de rapidité. Pourtant, s'il y a bien une leçon à retenir de l'art subtil de Rubenstein, c'est que l'essentiel se joue souvent dans les interstices, dans la capacité à marquer des pauses au milieu du tumulte.

 

Car l’art du leadership, comme jouer du piano, et comme nous l’enseigne la nature, ce n'est pas seulement enchaîner les notes à toute vitesse. C'est savoir donner du rythme, de la respiration, pour faire émerger la mélodie qui touchera les cœurs. C'est savoir créer des espaces de silence, pour laisser résonner l'émotion et le sens. C'est trouver le tempo juste, celui qui permettra à chacun de donner le meilleur de lui-même.

 

Bien sûr, il y a des situations où nous devons savoir accélérer, où la rapidité de décision et d'exécution est cruciale. Pensons aux situations de crise, aux opportunités stratégiques à saisir, aux projets à délais serrés. Dans ces moments-là, un leader contemplatif, déconnecté de l'urgence, mettrait en péril son organisation.

 

Mais même dans ces phases d'accélération, le fait d'avoir cultivé sa capacité à ralentir reste un atout précieux. Cela permet de garder une clarté d'analyse, de prendre des décisions éclairées, en tenant compte des enjeux à long terme. Car ralentir, ce n'est pas s'arrêter. C'est se donner l'espace pour mieux rebondir, pour agir avec plus de justesse et d'impact.

 

Ralentir n'est pas un luxe, c'est une nécessité. En prenant le temps d'analyser en profondeur les enjeux, d'explorer des options innovantes, de consulter l'ensemble des parties prenantes, les dirigeants se donnent les moyens de naviguer avec agilité dans un environnement volatil et incertain. Ils évitent ainsi les écueils d'une action précipitée, source d'erreurs coûteuses et de risques inconsidérés.

 

Mais le plus grand frein au ralentissement est souvent d'ordre psychologique. C’est même un acte quasi révolutionnaire dans une culture de la performance où l'on valorise avant tout le « faire ». Il est possible d’avoir peur de lever le pied par peur d’être mal vu ou par peur de représailles. Ces peurs sont légitimes, mais elles reposent sur une vision tronquée de la performance et du leadership. Car un leader n'est pas seulement celui qui avance vite, c'est aussi et surtout celui qui avance dans la bonne direction.

 

Rassurez-vous, l'enjeu n'est pas de ralentir pour ralentir, mais de cultiver une nouvelle forme d'intelligence de situation. De développer sa résilience, son alignement, pour faire les bons choix au bon moment. De savoir doser subtilement le rythme pour soi et pour ses équipes, en fonction du contexte et des priorités. Car l'art du leadership, c'est finalement cette capacité à embrasser avec fluidité vitesse et lenteur, mouvement et immobilité. À trouver à chaque instant le rythme juste pour faire émerger le meilleur de soi et des autres.

 

Alors…Quoi et comment faire?

Cette phrase prononcée en pleine crise du coronavirus par le politicien suisse Alain Berset, devenue virale, «Nous souhaitons avancer aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire. » porte une piste fort intéressante. Elle résonne comme un appel à un leadership conscient et intentionnel.

 

Aussi vite que possible. Aussi lent que nécessaire.

Résister à la tentation de la précipitation. Prendre le temps de la réflexion quand c'est nécessaire. Sans pour autant renoncer à agir avec détermination quand la situation l'exige.

 

Alors, chers leaders, n'ayez pas peur d'embrasser la tension créatrice entre vitesse et lenteur. Osez ralentir quand c'est nécessaire, tout en sachant accélérer quand la situation l'exige. Cultivez cette agilité paradoxale qui est la marque des grands leaders. Car c'est en trouvant le bon rythme, le bon dosage, que vous pourrez agir avec justesse et discernement dans un monde de plus en plus complexe et incertain.

 

Et si vous deviez retenir un conseil concret de cette réflexion, ce serait celui-ci : Avant chaque action et décision, offrez-vous une pause. Un moment de ralentissement. Cela fera toute la différence entre réagir et agir avec conscience et intention.

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