L’engagement et la mobilisation sont deux enjeux majeurs qui ne peuvent se construire que dans la durée et à condition de réhabiliter le collectif.
Procédures et indicateurs ont éclipsé la reconnaissance d’équipe
Dans un article de référence, Michel Tremblay et Gilles Simard[1] ont écrit dès 2005 qu’être mobilisé « c’est non seulement être performant dans les activités prescrites, mais c’est aussi contribuer à rendre les autres meilleurs, à améliorer le climat social et l’esprit d’équipe, à accroître la contribution de chacun à l’effort collectif de performance ».
Pourtant, dans plusieurs d’organisations, la multiplication des procédures et des indicateurs, la gestion par objectifs et le raccourcissement des délais ont éclipsé la reconnaissance d’équipes et, par conséquent, la place et le sens que chacun peut trouver dans un projet collectif.
En France, le rapport Lachmann Larose Pénicaud[2] a fait, en 2010, un triple constat qui peut encore s’appliquer à un grand nombre de pays occidentaux :
· « La mondialisation, conjuguée avec une centralisation des organisations, éloigne les salariés des centres de décisions, décrédibilise le management de proximité et crée un sentiment d’impuissance collective et individuelle;
· Le développement des organisations matricielles et du « reporting » permanent, ainsi que certains comportements managériaux, contribuent au sentiment de perte d’autonomie, d’efficacité et d’utilité des équipes;
· Les difficultés dans les relations de travail, au sein d’une équipe ou avec le supérieur hiérarchique, notamment lorsque l’isolement réduit les occasions d’échange ou d’écoute. »
[1] Michel Tremblay et Gilles Simard, La mobilisation du personnel : l’art d’établir un climat d’échange favorable basé sur la réciprocité, Revue internationale de gestion, été 2005, volume 30, numéro 2
[2] Rapport « Bien-être et efficacité au travail » effectué à la demande du Premier ministre français et rédigé par Henri Lachmann, Christian Larose et Muriel Pénicaud.
Pas de performance économique sans performance sociale
Les experts partagent généralement deux convictions :
1. La reconnaissance de la performance économique ne peut être durable sans performance sociale.
2. Le management ne changera que s’il y est incité.
Pourtant, force est de constater que seule une minorité d’organisations fonde une part de la rémunération variable des dirigeants, managers et employés sur des critères de performance sociale.
Il devient particulièrement urgent de revaloriser collectivement la performance, en repensant notamment certains systèmes d’évaluation fondés exclusivement sur des critères individuels qui peuvent conduire à récompenser des comportements indésirables, chacun essayant de tirer au mieux son épingle du jeu au détriment des collègues, voir du client.
Les directions des Ressources humaines doivent relever ce défi en fournissant à l’encadrement des méthodologies qui permettent de rééquilibrer la donne entre la mesure de la performance individuelle et celle de la performance collective.
Dans un contexte concurrentiel exigeant, il nous appartient de rappeler que l’humain est l’un des principaux gisements de compétitivité et qu’un management de qualité participe à la création de valeurs[1].
Reconnaître les efforts générateurs de mobilisation collective
Reconnaître les efforts, même si les résultats ne sont pas au rendez-vous, ne fait pas partie de nos habitudes. Pourtant, les efforts et l’énergie déployés par certains employés doivent être régulièrement reconnus sous peine de disparition de toute coopération entre les acteurs et le désengagement chronique. D’où la nécessité d’identifier, de favoriser, d’évaluer et de reconnaître les efforts vertueux, ceux qui vont dans le sens de la mobilisation collective.
Les trois types d’efforts, par nature discrétionnaire, identifiés par Arnaud Bichon[2] s’appliquent parfaitement à notre propos : « Les efforts déployés en vue de tisser des liens au sein de l’équipe (conduites relationnelles), les efforts déployés pour collaborer spontanément avec les autres membres du collectif (conduites coopératives) et les efforts déployés pour comprendre le sens de l’action collective (conduites d’intercompréhension) ».
La culture du résultat, fortement présente dans les organisations, a tendance à faire oublier ces aspects. Le résultat ne peut être le seul élément qui compte puisqu’il risque d’occulter d’autres formes d’engagement tout aussi déterminantes.
À côté des exigences du court terme, il existe donc une perspective de construction sociale à moyen terme de l’entreprise, garante de la pérennité de sa performance. Et les objectifs collectifs doivent s’appliquer à l’ensemble des parties prenantes.
Cette démarche pourrait en outre modifier positivement les rapports entre managers et salariés si les entreprises réussissent parallèlement à instaurer des relations de confiance entre les niveaux hiérarchiques.
La confiance met des années à se construire, elle se détruit en quelques secondes. Alors, pourquoi attendre?
[1] Laval, Christophe. La reconnaissance au travail, une opportunité de création de valeurs - FacteurH, décembre 2016.
[2] Comment appréhender les comportements de mobilisation collective des salariés, Arnaud Bichon, Mobilisation des personnes au travail sous la direction de Michel Tremblay, p 59, Collection Gestion et Savoirs, HEC Montréal, 2012.
Christophe Laval est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et licencié en droit de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
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