Vous constatez certainement que le sujet de la pénurie de main-d’oeuvre est devenu central au Québec. On le constate de par la multiplication des pancartes « Nous embauchons » sur les entreprises québécoises. Même si certains intellectuels qui n’ont pas mis les pieds sur le terrain depuis plusieurs années s’entêtent à dire qu’il n’y a pas vraiment de pénurie, au plus une mésadaptation entre le besoin des entreprises et les travailleurs disponibles, on doit faire le constat que pour beaucoup d’organisations le recrutement est devenu très difficile. Pour mieux comprendre les enjeux auxquels nous faisons face, voici quelques mythes que nous avons voulu déboulonner.
FAUX. 81 % des propriétaires de PME affirment avoir de la difficulté à embaucher des employés (1). D’ailleurs, toujours selon la même étude, près d’une entreprise sur deux affirme perdre actuellement des contrats par manque d’employés. Les grandes entreprises ont un défi de volume, mais les PME elles, recrutant moins souvent, disposent de moins de ressources et d’infrastructures pour le faire.
FAUX. Selon l’étude de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, 47 % des entreprises interrogées ont de la difficulté à recruter du personnel de production (2). Effectivement, s’il y a quelques années la pénurie affectait surtout le secteur des services pour des postes avec des compétences plus spécialisées (ex. : programmeurs, fiscalistes, actuaires, etc.), aujourd’hui, le secteur manufacturier est frappé de plein fouet pour les postes techniques (ex. : soudeurs, mécaniciens, chauffeurs, etc.), mais aussi, pour les postes de journalier.
FAUX. Alors qu’en 1966, il y avait 8,2 personnes âgées de 24-64 ans pour chaque personne de plus de 65 ans, en 2030, il y aura 2 personnes âgées de 24-64 ans pour chaque personne de plus de 65 ans (3). La pénurie actuelle de main-d’oeuvre est en effet, principalement causée par la combinaison du vieillissement de la main-d’oeuvre et de la croissance économique. Bien sûr, la transformation de l’économie dont l’apparition de nouveaux métiers et la disparition de d’autres, contribue à la désadéquation entre les besoins et la disponibilité de la main-d’oeuvre sur le marché.
FAUX. Plusieurs organisations tendent à croire que l’unique solution pour être plus attrayant est d’augmenter les salaires. Soyons très vigilants. Il est vrai que vous avez tout à gagner à améliorer l’Expérience employé que vous offrez. Il serait cependant très réducteur de penser qu’il ne s’agit que d’une question de salaire. Prenons le cas d’Olymel. Dans la dernière année, ils ont embauché près de 1 500 travailleurs pour des postes de journalier de production. Ils ont certes revu les conditions de travail, mais ils accompagnent également leurs employés au niveau du transport quotidien (près de 60 navettes par jour sillonnent le Québec pour aller chercher les travailleurs) tout comme pour le logement dans un contexte de régionalisation. Ce n’est pas forcément du salaire, mais ces avantages ont une valeur monétaire et contribuent directement à l’amélioration des conditions des travailleurs.
FAUX. Même si 78 % des entreprises affirment avoir amélioré les conditions de travail de leurs employés, l’Institut du Québec souligne que d’août 2017 à août 2018 (4), la qualité des emplois a baissé. Concrètement, il y a eu moins de croissance de salaire et plus d’emplois temporaires ou à temps partiel créés.
FAUX. Il existe de multiples solutions pour faire face à la pénurie et nous avons d’ailleurs déjà publié un article à ce sujet.
Dans un premier temps, toutes les mesures mises en place pour améliorer l’Expérience employé contribueront à fidéliser les employés, mais également à être plus intéressant pour des candidats potentiels. Ensuite, travailler son positionnement employeur sur le marché permet de se rendre plus visible, mais également de séduire les candidats. Il existe également de nombreux bassins de candidats talentueux qui sont sous-exploités. Pensons aux travailleurs de 55 ans et plus, aux jeunes décrocheurs, aux personnes en situation de handicap, ou encore, aux immigrants installés en sol québécois pour qui le taux de chômage est encore nettement plus élevé que celui du reste de la population. Il est peut-être également temps de repenser l’organisation du travail et d’assister le travail par la mécanisation ou la robotisation pour augmenter la productivité de l’entreprise.
La pénurie de main-d’oeuvre québécoise n’est donc pas une fatalité. Les entreprises doivent y faire face et les 10 prochaines années promettent d’être complexes. Cependant, avec une approche proactive et en traitant le recrutement comme l’un des enjeux prioritaires de l’entreprise, il est possible d’identifier des solutions et de réduire l’impact de la pénurie. Il est peut-être temps d’investir davantage dans le bien-être de ses employés, car rappelons-le : sans clients, il n’y a pas d’entreprise, mais sans employés non plus!
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1. FCEI, résultats préliminaires pour le Québec au 4 septembre du sondage Web « L’emploi dans votre entreprise » (688 chefs de PME du Québec; aux fins de comparaison, un échantillon probabiliste de 688 répondants aurait une marge d’erreur de plus ou moins 3,7 %, et ce, 19 fois sur 20).
2. IDEM
3. ROLLAND, Stéphane. « Comment survivre au vieillissement de la population ». Numéro spécial : « Quand la main-d’oeuvre manque à l’appel », Les Affaires, 29 septembre 2018.
4. Indice de l’emploi, Institut du Québec. “L’emploi au Québec août 2018”, Septembre 2018.
Emilie est cofondatrice et rédactrice en chef du e-magazine FacteurH.com ainsi qu'animatrice de l'émission Web VecteurH.
Didier Dubois a cofondé HRM Groupe en 2006 qui s'est joint à Humance en 2023.
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