Le 23 novembre 2023, le ministre du Travail, M. Jean Boulet, a déposé le Projet de loi n° 42 intitulé « Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail ».
Ce projet de loi modifie les lois applicables en matière d’indemnisation des lésions professionnelles et en matière de normes du travail, notamment, afin de protéger davantage les victimes de violence sexuelle en milieu de travail. Ce projet de loi intègre des présomptions légales visant à faciliter la reconnaissance d'une lésion professionnelle résultant de la violence à caractère sexuel.
On y définit la « violence à caractère sexuel » comme étant « toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirées, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre. »
Le Projet prévoit que les politiques de prévention et de traitement des situations de harcèlement psychologique au sein des organisations devront comprendre dorénavant un contenu prévu par la loi, visant notamment à préciser que cette politique s’applique à toutes les activités de l’employeur.
Les conventions collectives ne pourront plus comprendre de « clause d'amnistie » (soit des clauses qui effacent du dossier disciplinaire d’un.e employé.e les mesures disciplinaires prises après un certain temps) pour des inconduites relatives à de la violence physique ou psychologique.
Le délai usuel de six mois applicable au dépôt d’une réclamation pour lésion professionnelle sera dorénavant modifié afin de permettre aux personnes victimes de violence à caractère sexuel de loger leur réclamation dans les deux ans de la survenance de l’incident.
Enfin, actuellement lorsqu’une lésion professionnelle est reconnue, l’employeur ne peut être condamné à payer des dommages moraux ou punitifs à la victime, en raison du principe d’immunité civile prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le Projet de loi vise à amender cette disposition en ce qui concerne les lésions professionnelles en lien avec la violence à caractère sexuel, et prévoit que lorsqu’une plainte est logée en vertu de la Loi sur les normes du travail, le Tribunal administratif du travail puisse ordonner à l'employeur de verser des dommages et intérêts punitifs à une personne salariée victime de harcèlement psychologique en dépit de la reconnaissance d’une lésion professionnelle.
Il est possible de penser que le texte du Projet de loi 42 subira quelques modifications afin qu’il s’harmonise mieux avec le régime d’indemnisation des lésions professionnelles et les dispositions en matière de prévention du harcèlement psychologique. Notamment, la définition de violence sexuelle, qui donne ouverture à une présomption d’indemnisation, prévoit qu’une seule occasion peut ouvrir la porte à l’indemnisation sans préciser s’il doit s’agir d’un incident grave, alors que la Loi sur les normes du travail requiert précisément qu’un incident isolé de harcèlement psychologique soit grave pour être reconnu comme tel. Également, la présomption d’indemnisation prévue au Projet de loi ne vise que le harcèlement visant le comportement de collègues ou de dirigeants de l’organisation, alors que de tels incidents peuvent inclure des tiers tels que des clients ou des fournisseurs. Il serait surprenant que le régime d’indemnisation en matière de lésion professionnelle favorise uniquement l’indemnisation des personnes victimes de violence sexuelle lorsqu’elle est perpétré par d’autres membres de l’organisation.
Plusieurs nouveaux concepts intégrés au Projet de loi devront donc être précisés afin que les nouveaux droits qu’elle crée s’intègrent dans le panorama juridique actuel. Cependant, il s’agit d’une avancée importante en faveur des personnes victimes de violence sexuelle en milieu de travail.
Les organisations devront donc garder ces nouvelles dispositions à l’œil en 2024 afin de mettre à jour leur politique et leur programme de formation en la matière.
Le texte entier de ce projet se trouve ici :
https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-42-43-1.html?appelant=MC
Conseillère en ressources humaines agréée, Katherine conseille et représente les organisations de tous les secteurs d'activité.
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